Le futur est aussi loin qu’un mirage tandis que le passé s’invite dans chaque interstice de leurs jours. Le présent ne veut plus dire grand chose, il est aussi distendu qu’un vieux slip usé.
Qu’elle est grande alors la tentation de dormir, d’un sommeil aussi lourd que toute une plaquette de somnifères, pour que le temps passe sans vous !
Certains on trouvé comment tromper le calendrier : « Je ne compte plus en mois mais en nombre de permissions. Ca fait 3 jusqu’à ma sortie, dis comme ça ça rapproche ». Ici le temps ne se mesure ni en jours ni en minutes mais en parloirs, en lettres, en coups de fil. Des moments un peu plus denses que le vide de la cellule pourtant surpeuplée, mais où l’on prend conscience du décalage horaire avec la vie du dehors. Pas la peine de rechercher le temps perdu, on sait qu’il est là, juste de l’autre côté. Comme la vie vite, comme les gens sont pressés ! Les coeurs vont-ils s’attendre ? Les enfants se souvenir ?
Alors entre les murs, les angoisses s’éternisent, elles aussi prisonnières de ce trou noir éclairé au néon. Les aubes et les crépuscules ne passent pas à travers les barreaux, le silence de la nuit ne franchit pas les portiques de sécurité.
Au bout de quelques années à ce rythme, ils en viennent à douter, ils y croiront quand ils seront dehors. Et puis ça s’emballe et il n’est plus temps de rien. L’illusoire devient urgent. Demandes d’hébergement, dossiers, commissions, audiences. Agitation pour refaire sa carte d’identité, ouvrir un compte bancaire… Voilà que c’est demain. Avant l’heure, c’est pas l’heure, après l’heure la taule ne vous garde pas une minute de plus.
9h du matin sur le parking. Avec des sacs plastiques remplis en guise de souvenir, on ne peut pas courir, surtout après ce qui ne se rattrape pas.
Note aux lecteurs : il s’agit ici de la représentation que j’ai pu me faire du rapport au temps en détention au fil de mes échanges avec mes patients et patientes. Ce texte est aussi un exercice d’écriture comme je les affectionne, il n’a pas la prétention de la vérité, encore moins celle de se substituer au discours des personnes détenues elles-même.